Dans ce second épisode de la série Handzone, nous explorons un sujet brûlant dans l’univers du numérique : le recrutement tech. Deux invités de terrain partagent leur expérience : Tanguy Bary, agent de développeurs et fondateur de Mon Job de Dev, et Cyrille Adam, cofondateur de Yield Studio, accompagnés de Mathieu, développeur chez Yield. Un échange franc et dense sur l’état du marché, les erreurs classiques du recrutement, et ce qui fait vraiment rester les talents.
Le métier d’agent de développeurs : retourner l’équation
Tanguy Bary accompagne les développeurs comme on accompagne des artistes : coaching de carrière, aide à la négociation, suivi sur mesure.
“Le recrutement est souvent abordé à l’envers. Les entreprises publient une liste de courses. Résultat : ni les recruteurs, ni les techs, ni les entreprises n’en sortent vraiment gagnants.”
Il choisit alors de se positionner du côté de la ressource rare — les développeurs — pour mieux défendre leur intérêt et favoriser des recrutements durables.
Du COVID à 2024 : les cycles d’un marché en tension
Après une pause forcée lors du confinement, 2021 et 2022 marquent une explosion des recrutements tech, portée par les levées de fonds et l’adoption massive du remote. Mais en 2023, le marché se tend à nouveau, particulièrement pour les prestataires. Moins de financement, plus de prudence côté entreprises.
Cyrille Adam partage un constat similaire :
“Nos concurrents ont commencé à tirer la sonnette d’alarme début 2023. On a tenu un peu plus longtemps, mais en fin d’année, on a senti le ralentissement.”
Yield Studio réoriente sa stratégie vers les PME et ETI, plus stables, mais moins acculturées à la tech.
Définir le besoin : l’étape oubliée du recrutement
Pour Tanguy, la plupart des échecs de recrutement viennent d’une définition floue du besoin. On se focalise trop sur la stack, pas assez sur l’enjeu réel ou la proposition de valeur pour le candidat.
“Recruter un profil Laravel, c’est peut-être passer à côté d’un excellent dev PHP. Ce qu’il faut comprendre, c’est le contexte, la mission, l’ambition.”
Même du côté de Yield Studio, Cyrille reconnaît avoir formalisé cette promesse employeur sur le tard — à l'occasion de la mise en ligne de leur page Welcome to the Jungle.
Le test technique : utile, mais pas suffisant
Chez Yield Studio, le test technique reste un repère, surtout pour les fondateurs non techniques. Mais c’est un outil parmi d’autres. L’approche privilégiée : le live coding, en situation réelle, avec interactions, pour juger à la fois du raisonnement, de la communication et du niveau technique.
“Un test trop complexe, ou mal aligné avec le poste, en dit plus sur l’entreprise que sur le candidat.”
La sensibilité produit, critère différenciant
Un bon développeur ne code pas dans le vide. Il comprend le métier, s’intéresse à l’utilisateur, challenge le besoin. Tanguy repère cela dans les profils qui parlent :
- d’impact utilisateur,
- de résultats business mesurés,
- ou de collaboration avec les PM et designers.
Cyrille le confirme : “Quand un candidat me parle directement d’impact business, je sais qu’il a tout compris.”
La rétention commence dès le jour 1
Chez Yield, tout commence avec un onboarding soigneusement pensé. Le message est simple : la mission de l’entreprise doit pouvoir être portée par chaque membre de l’équipe.
“Si tu rates ton onboarding, tu perds l’adhésion dès le début. Et tu passes à côté de la fidélisation.”
La transparence, les feedbacks réguliers, les objectifs individuels clairs sont autant de piliers pour ancrer les collaborateurs. Côté package : full remote, budget coworking, grille salariale évolutive et flexibilité sont mis en avant.
Les 3 grandes attentes des développeurs
Tanguy Bary en voit trois qui dominent dans 90 % des cas :
- Le télétravail complet ou hybride (70 % demandent du full remote).
- Le salaire, évidemment, qui permet de vivre dignement selon sa localisation.
- L’apprentissage, la capacité à monter en compétence en continu.
Yield Studio : une culture de l’exigence et de la progression
Cyrille Adam assume une posture forte : Yield est une boîte exigeante, qui cherche des profils souhaitant progresser et contribuer activement. Cela attire des développeurs expérimentés… mais aussi d’anciens freelances en quête de sens, de mission et de collaboration.
“On n’a jamais créé Yield pour la revendre. On a créé la boîte dans laquelle nous-mêmes on voulait bosser.”
CDI vs Freelance : un faux débat ?
Tanguy rappelle que le freelance n’est pas un eldorado. Les bons profils s’en sortent très bien, mais beaucoup y vont pour de mauvaises raisons (illusion d’indépendance, quête de gain rapide, rejet du management).
Cyrille nuance : il travaille avec d’anciens freelances qui sont revenus pour :
- retrouver une équipe,
- avoir un impact produit,
- arrêter de tout faire eux-mêmes.
Conclusion : recruter, c’est construire une relation durable
Ce que cet épisode met en lumière : le recrutement est un processus à 360°, qui ne s’arrête pas au contrat signé. C’est un travail d’alignement, d’écoute, de projection commune.
Yield Studio en est un bon exemple : une équipe qui se construit avec exigence, sens et transparence — pour bâtir bien plus qu’un produit tech, mais une aventure humaine.