De la DSI à la Digital Factory : une logique d’impact
"La DSI est une direction très orientée autour du delivery au service des métiers. Nous, on s’organise autour de l’impact et de l’usage de nos utilisateurs finaux, qu’ils soient clients ou partenaires."
C’est par cette distinction que Nicolas Silberman introduit l’approche de la Digital Factory de BPI France. Loin de n’être qu’un nouveau nom pour une DSI "2.0", la Digital Factory se construit comme une entité centrée sur l’expérience utilisateur, la stratégie produit, l’impact business – et non uniquement sur l’exécution technique.
Un parcours atypique au service de la transformation
Issu d’une formation en gestion de projet multimédia, Nicolas s’est rapidement orienté vers des postes de CTO dans les médias (20 Minutes, Mediapart), avant de plonger dans l’entrepreneuriat avec une start-up dans la création vidéo. Cette expérience, bien que difficile, lui a appris l’essentiel : confronter les intuitions produit à la réalité du terrain et des utilisateurs.
De là, il poursuit en tant que manager de transition dans des secteurs variés (banque, mutuelle, industrie, jouet), souvent appelé pour "réconcilier" tech et métiers, en instaurant une logique produit au sein d’organisations parfois en perte de repères.
De l’innovation isolée à la culture produit
Lorsqu’il rejoint Unify (groupe TF1), il prend en charge une direction tech et produit fragmentée par marques (Marmiton, Doctissimo, Au Féminin…). Il y restructure les équipes autour de socles communs, introduit une vraie culture produit, et élève le niveau de séniorité des PM. La mission ? Sortir du modèle de "feature factory" pour embrasser une logique Discovery + Delivery.
Cette montée en maturité se prolonge chez BPI France.
La Digital Factory de BPI France : produire, faire évoluer, mesurer
Arrivé d’abord comme CTO, Nicolas prend rapidement la tête de la Digital Factory avec un objectif clair : faire évoluer une organisation encore très orientée développement vers un modèle complet produit / tech / design / data.
Contrairement à d'autres structures d'innovation internes, la Digital Factory ne se contente pas de prototyper : elle conçoit, maintient et fait évoluer ses propres produits, avec une vision long terme, en collaboration directe avec les métiers.
"On ne livre pas un produit pour qu’il soit maintenu ailleurs. On l’accompagne sur la durée, avec une stratégie produit et des KPIs clairs."
Structurer pour durer : réinternaliser les compétences clés
Dès son arrivée, Nicolas réoriente le plan de recrutement : moins de développeurs, plus de profils produits seniors. Car sans vision produit, même les meilleures équipes de dev ne peuvent adresser les vrais problèmes utilisateurs.
Un effort majeur est entrepris pour réinternaliser des fonctions clés (CPO, PM, CTO), tout en respectant les prestataires déjà investis. Une nouvelle organisation transversale se met en place, inspirée de Team Topologies, pour mieux répondre aux besoins de discovery, delivery et scaling.
L’approche Lean et terrain : des cailloux au fond de la rivière
Nicolas infuse également une culture de l’ingénierie Lean dans ses équipes : aller sur le terrain, identifier les problèmes, apprendre et améliorer en continu. Il visite deux équipes par mois, participe aux cérémonies, met en place du management visuel, et pousse les résolutions de problèmes au sens fort du terme : chercher la racine, non le symptôme.
Un exemple d’impact : l’IA au service des chargés d’affaires
Parmi les projets marquants : un générateur de notes de synthèse propulsé par l’IA. Ce produit permet d’automatiser 60 % de la rédaction des notes qui prenaient jusqu’à 4 heures aux équipes. Résultat : un gain moyen de 2h30 par note, tout en s’adaptant aux spécificités régionales. Un produit né d’un vrai problème métier, et désormais étendu à d’autres directions.
Une collaboration repensée avec la DSI
Si les relations entre la Digital Factory et la DSI étaient historiquement tendues, elles ont depuis été restructurées sur la base de la transparence, du respect mutuel, et du partage des enjeux business. Cela permet une meilleure priorisation, plus de crédibilité des projets, et des synergies sur des socles techniques communs.
"Il n’y a pas de mieux ou de moins bien entre DSI et Digital Factory. On a juste des contextes différents."
Vers l’avenir : IA, run, et nouveaux usages
Deux grands chantiers attendent Nicolas et son équipe :
- Intégrer l’IA de manière pragmatique, sur la base des cas d’usage à fort impact.
- Adapter l’organisation aux produits arrivés à maturité, en repensant les dispositifs d’équipe autour de la notion d’impact, plus que d’innovation permanente.
Conclusion : une startup dans la banque publique
La Digital Factory de BPI France fonctionne comme une start-up interne : contraintes fortes, petits pas, recherche constante de valeur. Son rôle : tester, itérer, apporter des preuves, accompagner la transformation digitale de l’intérieur.
"Ce qu’on construit aujourd’hui ne s’appelle peut-être pas Digital Factory demain. Mais cette culture de l’usage, de l’impact, de l’apprentissage… elle, doit rester."